Le sens de la prière dans l'Islam

Le deuxième pilier, la prière, est l'axe ou l'élément essentiel autour duquel tourne tout le reste. Dans la zaouia, ce lieu où des hommes et des femmes se rencontrent pour prier Dieu matin et soir, la prière ordonne le programme quotidien.

Après la shahâda, la prière est le lien (silâh) privilégié entre Dieu et l'homme, et entre l'homme et Dieu. C'est pour cette raison qu'elle est primordiale. Elle constitue la clé qui ouvre la voie et purifie le cœur afin qu'il puisse réfléchir la lumière divine. Celui qui ne prie pas ne peut pas rencontrer Dieu.

La prière dans l'Islam représente un cycle journalier. On commence la journée par la prière du matin (subh) qui est le symbole du début de la vie. Ensuite, il y a la prière de midi (duhr), quand le soleil est au zénith, qu'il n'y a plus d'ombre et que l'homme se trouve en quelque sorte à son point culminant, à son apogée, dans toute sa verticalité. Puis vient la prière du milieu d'après-midi ('asr), celle des sages et de la sagesse, et celle du crépuscule (maghreb) au moment où le soleil, en partant, laisse une dernière lumière derrière lui. C'est le moment où la vie de l'homme quitte progressivement cette terre. En pénétrant dans la nuit, nous entrons dans un monde parallèle que nous ne connaissons pas. La cinquième et dernière prière est celle de la nuit ('ichâ) qui nous apprend que, dans l'autre monde aussi, la prière existe. Ce cycle est réglé afin que chaque étape de notre vie soit en liaison, en communication constante avec Dieu.

Musulmans et musulmanes sont donc tenus d'effectuer les cinq prières quotidiennes. Etant donné que je reconnais que Dieu est Un et que le message qui a été apporté par le Prophète Mohammed (s.s.p.) est véridique, je fais en sorte que cette Unicité demeure constante et perpétuelle dans ma vie de tous les jours.

La prière sera le moyen pour m'aider à atteindre ce but. Elle me permet de communiquer avec cette Unicité et, comme la shahâda, elle en est le rappel constant. Ces cinq prières réparties tout au long de la journée sacralisent le temps et imprègnent toute la vie du musulman. Bien sûr, l'habitude intervient et donne à la prière sa force ou sa faiblesse. En réalité, l'efficacité de la prière dépend de l'attitude intérieure de l'individu. Comment va-t-il prier ? A quel niveau ? Par habitude ? Dans un élan du cœur ? Par intérêt ? etc. Dans la tradition du tasawwuf, le rôle de la prière est de nous placer chaque fois face à Dieu.

Comme l'a dit le Prophète (s.s.p.) : " Prie Dieu comme si tu Le voyais, car si toi tu ne Le vois pas, sache que Lui te voit. " Si nous n'avons pas cette faculté, cette intention, cette force et cette clairvoyance pour pouvoir Le voir, alors ayons la foi et la conscience que Lui est en train de nous voir... et que chacun de nos actes, chacune de nos paroles et de nos pensées s'expriment devant Lui.

Si tel est notre état d'esprit, la prière prend alors une ampleur extraordinaire. Elle nous transporte d'un monde temporel, d'un quotidien souvent difficile à vivre, vers une rencontre sacrée. C'est un moment salutaire pendant lequel l'homme se sent dans la Présence. Car comment pourrions-nous être présents devant Dieu sinon par Lui ? C'est cela qui donne cette importance et cette force considérable à la prière. Comme l'a si bien exprimé le cheikh Hajj 'Adda :

La prière, c'est le miroir ineffaçable
où se mire le Dieu suprême.
Chacun peut Le voir selon la clarté
de son propre cœur : ainsi, lorsque
la lune apparaît à son premier
jour de ramadan ceux qui ont
la vue claire la distinguent
nettement tandis que les
autres restent dans le doute.
Ah! La tristesse du doute ; celui
qui n'a pas vu ne peut même pas
dire qu'elle n'existe pas.

Tout le sens de la prière se révèle par ailleurs dans cette parole du Prophète (s.s.p.) : " Fais la prière [de l'adieu] comme si tu la faisais pour la dernière fois. " Cela signifie que nous devons prier de manière aussi consciente que possible, sans habitude. Je prends conscience que je suis en relation, en dialogue avec l'Absolu. Chaque fois que je me présente devant Lui, je me prosterne et je me soumets. C'est un rappel constant.

Entre chaque prière, comment l'homme va-t-il employer son temps ? Que va-t-il faire pour rencontrer Dieu ou s'en éloigner ? Quel rôle aura-t-il joué ? Quel acte aura-t-il commis ? Il devient en effet difficile entre deux prières, de commettre un acte perturbateur, un acte qui ôte ou diminue cette énergie, la force de ce désir, de cette communion. Chaque prière permet en quelque sorte de faire le bilan de sa conscience, de ses actes, jusqu'au moment où elle devient une nourriture dont nous ne pouvons plus nous passer.

Effectivement, lorsque nous y avons pris goût, nous sommes perturbés si nous ne pouvons l'effectuer, cela crée un déséquilibre ; nous ne nous sentons pas bien, notre temps n'est pas réglé. Sacraliser le temps transforme l'homme qui ne vit plus seulement pour travailler, manger... mais aussi pour prier. Cela fait partie intégrante de son temps.

La prière est un moyen pour le pratiquant de s'élever et de progresser, car une discipline basée sur le désir de se prosterner et de communiquer avec Dieu transcende l'homme et le protège des abus et des égarements qui peuvent naître en lui.

La prière est l'outil de la transformation spirituelle qui va s'opérer. Elle est une clé qui permet à l'homme, dès qu'il a atteint une étape, de franchir la suivante, à l'image de celui qui, chaque jour, avec un burin et un marteau, frappe sur une pierre qui, quelle que soit sa dureté, finira par céder. Même s'il ne l'entame que de quelques millimètres, il finira par créer ce passage et par pouvoir aller de l'autre côté. A force de persuasion et de discipline, il obtiendra un résultat, avec cette promesse de vivre un état meilleur que celui dans lequel il se trouve. L'homme n'est pas réduit à l'impuissance, il ne se trouve pas bloqué devant un mur, soumis aux aléas du temps. Par la prière, il est à même de provoquer une dynamique qui le porte et l'éveille chaque jour davantage ! Cette assiduité ne vient qu'avec la maturité. En effet, lorsque l'homme a goûté l'effet bénéfique de la prière, alors elle devient une nécessité. Comme nous prenons le temps de nous arrêter pour manger, il devient aussi indispensable de s'arrêter pour goûter cette délicate nourriture de l'âme.

Elle possède aussi d'autres actions, visibles et invisibles. Elle rejaillit sur l'hygiène car, à chaque prière, nous devons faire des ablutions. Se laver avec de l'eau, c'est aussi, sur un plan symbolique, enlever quelque chose d'impur en nous. Nous ôtons quelque chose de négatif, une impureté, afin de nous présenter devant l'Absolu.

Par ailleurs, elle joue un rôle social important au sein de la communauté. Les riches, les pauvres, les savants, les ignorants se retrouvent sur le même rang. C'est un échange fraternel, puisque les fidèles sont appelés à se rencontrer cinq fois par jour. S'il y a un absent ou un malade, on demande de ses nouvelles. Si quelqu'un a des problèmes, on est informé.

Dans l'Islam, elle est un moyen pour la communauté musulmane de vivre un moment sacré qui ramène le monde terrestre à cette ouverture, à cette rencontre avec le monde céleste. C'est comme si vous étiez dans le Sahara et qu'en regardant l'horizon vous remarquiez que la terre et le ciel se touchent. C'est par la prière que nous parvenons peut-être à cette perception de nous et de l'Inconnaissable, de nous et du Divin. Par cet acte, quelque chose se produit que nous ne pouvons nommer mais simplement sentir, vivre. Nous sommes le témoin d'une expérience, pour nous-mêmes et pour les autres.

Le lieu de la pratique importe peu. Puisque le Prophète (s.s.p.) priait aussi bien à cheval qu'à dos de chameau, cela nous laisse la possibilité de l'accomplir à tout moment et dans n'importe quelle circonstance, même en avion, en train, puisque c'est l'intention qui compte. On peut l'effectuer en position assise. Il n'y a pas la nécessité de la gestuelle : elle peut être symbolisée en fermant les yeux, en inclinant un peu la tête. Comme l'a dit le cheikh al-Alawi :

mieux vaut une prière sans 

génuflexion, qu'une génuflexion

sans âme. Le but étant plus

loin que le moyen,

pleurons sur ceux qui ne

s'arrêtent qu'à ce dernier.

Les prières commencent toujours par la sourate de la Fâtiha qui est appelée la Mère du Livre. Dans la tradition, on dit que tout l'univers est contenu dans les Livres révélés, que tous les Livres révélés sont contenus dans le Coran, qui est lui-même contenu dans la Fâtiha qui est elle-même contenue dans la basmala (au nom de Dieu le Clément, le Miséricordieux) qui est contenue dans la lettre bâ, laquelle se trouve dans le point sous le bâ. Nous allons de l'universel, de l'infiniment grand à l'infiniment petit, du macrocosme au microcosme - le point - qui est l'origine de toutes choses. C'est lui qui contient tout l'univers.

Donc, chaque prière commence par la première sourate de la Fâtiha. Ce qui est dit dans cette sourate est universel et peut être dit dans toutes les religions.

1. Au nom de Dieu :
celui qui fait miséricorde,
le Miséricordieux.
2. Louange à Dieu,
Seigneur des mondes :
3. celui qui fait miséricorde,
Le Miséricordieux.
4. le Roi du Jour du Jugement.
5. C'est toi que nous adorons, c'est toi dont nous
implorons le secours.
6. Dirige-nous dans le chemin droit :
7. le chemin de ceux que tu as comblés de tes bienfaits;
non pas le chemin de ceux qui encourent ta colère
ni celui des égarés.

Ensuite, nous pouvons choisir une sourate, ou l'un des versets du Coran, en fonction du moment, de notre clairvoyance, de notre état intérieur. Le morceau choisi peut ainsi nous toucher et augmenter notre état de conscience. Ces récitations s'accompagnent de trois positions du corps : la station debout, la génuflexion et la prosternation, qui comprennent chacune leur symbolique. On part de la station debout pour aboutir à la prosternation qui symbolise la soumission à la volonté divine, l'acceptation d'être ce que l'on est.

Certains soufis disent aussi qu'au travers de ces attitudes corporelles, tous les règnes sont représentés, l'animal, le végétal et le minéral. Il s'agit du retour vers l'Absolu mais aussi vers l'origine, vers la terre. Ce rituel se termine par la phrase : " Que la paix soit sur vous " 
(as-salâmu 'alaykum). On se tourne à droite et à gauche, que l'on soit seul ou en groupe. Ce mouvement est accompli pour les anges qui nous accompagnent et qui sont toujours près de nous.

Dans la tradition musulmane, il est dit que chaque personne est accompagnée de deux anges : celui de droite et celui de gauche. Sur un livre seront inscrites par eux les actions bénéfiques et les actes négatifs qui nous accompagneront toute notre vie jusqu'au Jugement dernier. Lorsque nous nous présenterons devant Dieu, nous serons jugés sur les actions accomplies durant toute notre vie. Le livre et les anges sont des symboles qui font prendre conscience que chaque acte compte dans l'existence, qu'il est inscrit et ne sera jamais oublié.

Je pense que nous portons ces anges en nous. C'est-à-dire que chaque acte est gravé quelque part en nous, dans notre conscience, dans nos cellules, dans nos gènes. " Le Jour où leurs langues, leurs mains et leurs pieds témoigneront contre eux sur ce qu'ils ont fait" . (sourate 24, verset 24). Un acte accompli est éternel, même si nous l'avons oublié ! Chaque fois qu'une action est commise, prenons conscience des conséquences. Sont-elles bénéfiques ? Utiles ? Réellement désintéressées ?...

La prière s'achève. Mais avec les salutations de paix nous pouvons ajouter des éléments de pratique tels le chapelet de quatre-vingt-dix-neuf grains (tasbîh) et la demande à Dieu de nous guider (du'â). Bien sûr, au-delà de ces cinq prières rituelles, il existe toute une gamme de prières (celle du vendredi, celle pour les morts, pour la sécheresse, pour les fêtes...) que nous pouvons adapter aux circonstances...

A chaque prière il est permis de faire une demande pour soi et pour les autres. C'est un moyen pour recevoir et pour donner. Nous recevons le Divin puisque nous récitons Sa parole, et nous sommes là pour témoigner de son Unicité et nous soumettre à Sa volonté. Il y a échange constant entre l'être et l'Absolu.

Il existe des différences de degrés entre la prière du commun et celle de l'initié. Sa qualité sera révélatrice de l'état de l'être. Plus le miroir est propre et pur, plus il réfléchit la Lumière divine. La prière faisant partie des obligations de tous les musulmans, le soufi fait donc ces prières en plus de ce qu'il réalise par ailleurs.

Il y a beaucoup à dire sur la prière, il faudrait un livre entier qui ne traite que de ce sujet !

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1 commentaires:

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